Immiscer pour initier

Publié le par Laurent Kiefer

 

Premier jour de répétition, vingt-deux août deux mille onze

 


En 2007, à la fin de la petite quinzaine de représentations d’Histoire de mon corps, le spectacle solo sur l’ensemble de l’œuvre d’Hervé Guibert, sur la conception duquel j’avais bûché deux ans quasiment chaque jour, je m’étais juré, faute de diffuseur, faute de financement, faute à l’épuisement aussi, qu’on ne m’y reprendrait plus.


Et me voilà…


Quatre ans plus tard, je reprends le même auteur, pour un projet similaire, mais où tout diffère cependant.


Entre 2005 et 2007, j’avais travaillé entièrement seul. Cette fois, Micheline Welter, avec laquelle je travaille depuis environ trois ans au sein de la Cie FRAGMENTS, me prête son œil éclairé, sa sensibilité, sa complicité artistique, afin de « corriger » certains travers de jeu (lorsqu’on est livré à soi-même, le plus dur est de rester sobre… entre autres choses), afin plus généralement de m’offrir ce dont j’ai manqué lors de la première mouture de ce travail : un accompagnement – un compagnonnage théâtral, devrais-je dire.


Nous répétons dans les locaux cette fabuleuse structure d’accueil et de soutien qu’est la Régie Culturelle PACA, sise au carrefour de Bouc-Bel-Air, de Cabriès et de Plan-de-Pâté-de-Campagne(-mugircesférocessoldats), dont l’équipe, d’une exemplaire gentillesse, nous ravit à chaque fois que nous nous offrons une résidence en ses murs. (Cabriès, Calas, patrie de mes amours d’élèves… de théâtre. Si loin si proche.)


On ne le sait peut-être pas, mais un acteur de théâtre est une personne qui se pose beaucoup de questions sur ce qu’il convient de faire. Mettez deux acteurs de théâtre en contact, enfermez-les dans un lieu de travail, vous avez des chances de multiplier le nombre de questions par trois ou quatre. Lorsque vous travaillez sur un auteur littéraire qui avait une certaine expérience théâtrale, vous multipliez encore par x. Si l’auteur en question avait pour marotte de se mettre soi-même en scène dans ses textes, s’il a touché de la photo, s’il avait pour habitude de revendiquer des mensonges qui n’étaient que des vérités travesties, vous obtenez un nombre impressionnant d’inconnues que multiplie x. Autant dire dès ce premier jour qu’il est encore plus vain de soulever l’ensemble des questions scéniques que posent les textes d’Hervé Guibert, que de chercher à répondre à une seule d’entre elles.


Et pourtant…


Partir de l’apparence : utilisera-t-on du maquillage, quelque chose d’un peu pâle, aux lèvres très légèrement soutenues ? Faut-il masquer l’acteur ? Comment ce personnage, sur scène, sera-t-il habillé ? Micheline le voit en dandy, un peu maniéré, précieux. Je revois cette image de Guibert, CES images, multiples, de l’écrivain portant chemise blanche et cravate assez lâchement nouée – une image d’homme d’affaires aujourd’hui, mais qui dans années 70-80 avait une connotation tout autre, surtout lorsqu’il parcourt l’Egypte en compagnie de Hans-Georg Berger.


Va pour le costume, mais sans veste, j’insiste (et ce n’est pas parce qu’il fait quarante degrés à l’ombre…, je n’ai pas souvenir d’avoir aperçu Guibert en veste).


Très bien, alors à l’enfant maintenant… (Oui, c’est un spectacle qui va reposer sur l’autobiographie de jeunesse d’Hervé Guibert (Mes parents) et qui ne dépassera pas la quatorzième année et le départ de la famille à La Rochelle.) Faudra-t-il le montrer, l’enfant, sera-t-il là ? Ou est-ce l’adulte qui se raconte enfant ? Ou bien est-ce la tendresse en moi, cette sorte d’apaisement de la violence textuelle lorsque je dis Guibert, qui sera la seule marque visible de l’enfance ?

 

allez, la suite demain

ou pas

Publié dans Kiefer Show

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